mercredi 23 mai 2007

Un moment d'errance historique....

Mes chers enfants,
Regardez bien ce qui se passe en France. Humez l'air. Ecoutez. Nous vivons un moment d'errance historique inédit. Non, pas vraiment en fait. Mais laissons cela de côté.

Voilà ce qui se passe.
Les Français ont baissé les bras. La politique, ils la voient comme une agitation pragmatique, rationnelle. Plus d'idéaux, plus de mots, plus de symboles. On range, on cloisonne, on met de l'ordre. Mais la politique, mes chers enfants, c'est avant tout des idéaux. C'est un foisonnement. C'est réfléchir au sens que l'on veut donner à la société pour peser sur la réalité.

Un président de la République, c'est celui qui panse la nation, celui qui la rassemble autour de valeurs fondamentales dont il est le gardien. Il doit être le sage qui met en perspective notre pays avec son histoire, avec le monde, avec certains grands principes.

Que voit-on?
Un président élu grâce à des discours frontistes. Des ministères dont les dénominations rappellent les heures les plus sombres de notre histoire : Ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Codéveloppement. Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports. Ce sont des mots. Des mots qui blessent, des mots qui font honte, des mots qui ont tué.

Un seul candidat à la présidentielle nous a offert le retour de la France à la Politique. François Bayrou. Et il a été abandonné par les siens, plus préoccupés par leurs mandats que par leurs convictions, s'ils en ont...

Mes chers enfants, je suis en colère.

mardi 24 avril 2007

Apparté: réponse à Arthur


Tu m'as demandé:"Dis-moi juste une chose, mais une seule, que tu voudrais vraiment pour nous.".

Alors voilà, je te réponds.

Que vous soyez vraiment à l'aise dans vos baskets.


Que vous assumiez pleinement vos choix personnels, professionnels... même s'ils ne sont pas tout à fait en accord avec les projections que je ne peux m'empêcher de plaquer sur vous. Je ne suis qu'une mère...

Je voudrais que chaque matin, quelles que soient les épreuves que vous traversiez, vous soyez heureux de voir le jour qui se lève.

Je voudrais être votre amie, votre soutien dans les heures sombres. Je ne vous jugerai pas, vous ne me décevrez pas. Je vous aime trop pour ça.

Je voudrais que vous n'aduliez ni le pouvoir, ni l'argent. Ils ne sont que des moyens, pas des valeurs. Ne soyez jamais serviles.

Cela fait plus d'une chose je crois, mais les mamans ont parfois du mal à respecter les règles...

Je vous aime. Vous êtes mes trésors...

vendredi 13 avril 2007

autodiscrimination

Sur un marché, arrivage de chaussures dégriffées.
Une très belle femme en boubou en essaie une paire. Comme je suis chaussée de baskets et encombrée de ma poussette...

- Excusez-moi, je peux regarder comment elles sont portées?

- Je te préviens, je suis noire.

- J'avais remarqué mais vous avez des pieds, non?

Rires...

- Ben viens, regarde alors! Elles sont bien non?

- Elles vous vont très bien. Je vais en prendre une paire aussi.

- Hé! Le vendeur là! Donne des chaussures bleues pour ma copine! Tu fais du combien déjà?

- 36...

- Donne une paire de 36 dans une boîte! Donne pas un truc qui a déjà traîné partout! Dépêche -toi, tu vois pas qu'elle a un bébé?

Grâce à son autorité naturelle, je suis servie tout de suite.

- Aller, à bientôt ma fille!

Je détesterais que qui que ce soit m'appelle ma fille. Mais ce jour là, j'ai aimé.

J'en entends déjà ricaner certains.
Je sais, je vous fais doucement rigoler avec mon "côté tiers-mondiste" et mes "théories d'intello de gauche". Je ne sais pas si je suis de droite ou de gauche mais si on parvenait tous à être juste un peu courtois les uns avec les autres, sans nous soucier des barrières que nous installons autour de nos identités prétendues, je suis convaicue que nos vies seraient plus agréables et que, d'effet boomrang en effet boomrang, notre société serait plus épanouie.

Et puis cessez de ricaner. Je déteste les ricanements. Ils sont le contraire du rire. Le rire ensoleille. Les ricanements enferment.

jeudi 5 avril 2007

Villepin, ses erreurs présumées

La dissolution de l'Assemblée, si elle a été une erreur stratégique pour le RPR, est loin d'avoir été une catastrophe politique nationale. En effet, les Français ont, me semble-t-il, été particulièrement à l'aise lors de la cohabitation Chirac-Jospin. C'était le tout en un. Chirac, père de la nation, chef de la diplomatie et des armées, allié à Jospin, bon technocrate de gauche, garant des acquis sociaux. C'était la transition Mitterrand-Chirac idéale.

Le CPE a été érigé en symbole de la lutte contre la précarisation du travail. Il a cristallisé toutes les craintes. Mais on s'est trompé de combat. Le CDI n'empêchera pas les délocalisations et ne fera pas rempart aux effets pervers de la mondialisation. Ce n'est qu'au sein de l'arène internationale que la France pourra influer sur le marché et travailler à sa régulation.

La globalisation exige l'élargissement des points de vue. L'individualisme et l'esprit de clocher ne pourront qu'échouer face aux enjeux mondiaux...

mercredi 4 avril 2007

La banlieue



Je m'inscris à un stage de montage vidéo à Saint-Ouen. On me prévient, je serai la seule représentante de la gent féminine mais aussi la plus âgée et la plus diplômée. Pas de problème, je ne suis pas là pour copiner et leur programme de formation m'intéresse.

Premier jour de formation:
J'arrive dans un hall peuplé de jeunes hommes d'à peine 20 ans en jogging-baskets-casquette. Je suis catastrophée. Je ferme mon sac et je me demande ce que je fabrique là. J'hésite puis décide de rester. On verra bien...

Au fil des jours, nous apprenons à nous connaître. Nous nous racontons des bribes de nos vies. Ils me respectent parce que je suis mère de famille et ils me traitent comme telle. Ils me posent des questions, se confient un peu aussi parfois. Plus le temps passe et plus je les trouve attachants. Peu à peu, je prends conscience que sous leurs airs de durs à cuire, ils sont terriblement résignés. Ils sont humiliés et méprisés chaque jour par l'ensemble de la société. Ce mépris et ces humiliations, ils les acceptent comme une fatalité, ils les intègrent comme une donnée sociale immuable. Ils sont un peu amers mais gardent le sourire et une certaine forme d'humour souvent empreinte d'auto-dérision.

Ils sont patriotes et ont du sens politique.

Ils ont aimé que la France ait dit non à la guerre en Irak:

"La vie de ma mère, comment Chirac il a éclaté la gueule à Bush! L'autre il est tricar!".

Ils ne succombent pas à la démagogie, qui les insulte:

"Sarkozy, quand il est venu à La Courneuve, il a donné des chèques-cadeaux de 200 euros à tous les chômeurs de moins de 25 ans. Il est che-lou ce mec-là! Y'en a pas qu'à La Courneuve des chômeurs de moins de 25 ans. Pourquoi il en a pas donné à tout le monde des chèques-cadeaux? C'est que pour les racailles ou quoi? Moi, en même temps, je m'en fous! Je me suis acheté un jean et un CD. Mais c'est pas ça la politique... S'il croit qu'avec 200 euros pour acheter des trucs, ils vont arrêter de brûler des voitures, il est complètement à la masse..."

Ils ont leurs propres codes vestimentaires et sémiologiques et alors? ils n'en demeurent pas moins des citoyens qui nous rappellent les exigences de liberté, d'égalité et de fraternité.

L'un d'eux m'a un jour dit:

"Ce week-end, je suis allé me promener à Paris. C'est trop beau. J'adore cette ville. Je sais pas si tu connais mais y'a des grandes avenues au métro Ecole militaire. Et ben, j'ai poussé la porte d''un immeuble, putain, c'est hallucinant, tout est beau! Les portes, la cour, les escaliers, c'est trop classe. Et y'a des sculptures, c'est vraiment trop, trop beau. Moi, plus tard, je veux habiter là."

Un autre en passant, lui a jeté en pleine figure:

"Arrête de rêver Bill! C'est pas pour toi tout ça!"

J'étais révoltée:

-Pourquoi tu lui dis ça? S'il a envie de vivre dans le 7ème, laisse-le. N'importe qui peut aller vivre là-bas. Il suffit d'avoir de l'argent, c'est tout!

-Ah ouais? Tu sais, moi, pourquoi j'ai quitté l'école?

-Heu... non...

- J'étais en 2nde, j'avais 14 de moyenne et je voulais passer un bac littéraire pour aller en philo à La Sorbonne. Mais y'avait plus de place dans la section L. Alors on m'a mis en gestion. Ca m'a saoûlé, je suis parti faire manutentionnaire à Carrefour. J'ai même pas pu choisir mon orientation alors dis pas que je pourrais aller vivre dans les quartiers de che-ri!

Je suis un peu à court d'arguments mais j'essaie quand même de lui demander pourquoi ses parents ne se sont pas opposés à cette décision d'orientation. Il me répond que sa mère trouvait ça très bien la gestion et que la philo, elle ne voyait pas à quoi ça servait.

En rentrant à la maison, j'exulte:

"Vous vous rendez compte? Ca me met en colère de voir tous ces gens qui sont malmenés dès la maternelle! On les casse tout de suite. On leur interdit de s'élever. C'est dégueulasse!"

Arthur me répond:

"Mais Maman, c'est des sauvages, ils ne savent même pas parler!"

Je suis horrifiée de voir que mon fils de 10 ans est déjà embrigadé dans un système de pensée normopathe:

"Quel mérite est-ce que tu as, toi? Ta bibliothèque vomit des livres que tu n'as jamais lus. Tout est facile pour toi. Mais ceux qui réussissent dans ces conditions, te sont cent fois supérieurs. Ce sont des génies! Toi, tu considères que tout t'est dû. Eux, ils acceptent que l'on considère qu'ils ne méritent rien."

A sa petite mine déconfite, je comprends que j'y suis allée un peu fort. Il ne faisait que me renvoyer l'image de l'éducation qu'il avait reçue, c'est à dire la mienne...

Finalement, les émeutes de 2005 ça n'a vraiment pas été grand chose, en comparaison de ce que ça aurait pu être...

lundi 2 avril 2007

Qu'est-ce que la sécurité socio-culturelle?


Un monde de sécurité socio-culturelle, ce serait un monde où chacun se sentirait à sa place aussi bien sous les ors des palais que dans les quartiers populaires. Ce serait un monde où chacun acquerrait une forme de sécurité linguistique qui irait de Châteaubriand au rap en passant par Steinbeck et Kafka.

C'est cela qu'il faut souhaiter pour nos enfants, qu'ils vivent dans un monde auquel ils appartiennent pleinement et qu'ils maîtrisent totalement. La véritable richesse est dans le métissage, qu'il soit racial, social ou culturel. L'équilibre et la croissance de nos sociétés sont là.

Ce n'est pas dans la crispation nationalo-communautariste que la France trouvera son salut.

vendredi 30 mars 2007

Les Français face à leurs contradictions



Les Français ont voté "Non" au référendum sur la Constitution européenne. Ils voulaient une Europe plus sociale. Et puis qu'est-ce que c'était que ce texte informe, inapplicable juridiquement, qui allait étrangler la nation? On voulait montrer que c'était bel et bien le peuple souverain qui gouvernait. Parfait. Vous l'avez voulue, vous l'avez eue. Voici la "démocratie participative". Ca y est, on vous écoute peuple de France. On parle comme vous. On fait ce que vous voulez, on dit n'importe quoi pour vous plaire. Alors allez pointer au ministère de l'Identité nationale et accrochez des drapeaux aux fenêtres! Les institutions ne vous plaisent plus? Pas de problème, voilà la VIème République.
Qu'est-ce qui se passe? Vous êtes inquiets? Vous ne savez plus pour qui voter? Moi non plus...
Je ne sais pas pourquoi mais tout à coup, j'ai envie de réentendre l'allocution du 11 mars du Président Chirac: http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/actualites/a_l_elysee/2007/mars/declaration_televisee_du_president_de_la_republique.73970.html

Federico Mayor, l'insurgé

Federico Mayor, c'est lui:



Il a éclairé mon adolescence.

Il m'a appris plus que quiconque. Il me parlait d'énergie solaire, d'eau, de culture de paix. Il disait qu'il fallait que les gens de ma génération s'emparent de ces causes. Il m'a aidée dans les heures les plus tortueuses de mon adolescence. Il ne juge rien, il ne voit que le bon côté des choses, que le bon côté des gens. Il protège ceux qui l'entourent de leurs démons. Il sait transformer leur fardeau en richesse. D'un mot, il peut guérir toute une vie.

Il me disait: "C'est bien, tu es rebelle. Mais un jour, tu vieilliras. Alors, n'oublie pas, demande-toi toujours si tu as encore de la révolte en toi. Tu apprendras à faire des compromis mais reste rebelle.". J'adorais. J'adore toujours, en fait.

Un jour que je lui reprochais de ne pas m'accorder assez de temps, il a pris un air triste et il m'a dit: "Regarde ce bureau. Il est plein de papiers. Parfois, j'ai envie de les prendre et de les jeter. Tu vois, ici, c'est ma prison." Et alors, presque pour lui-même, il a inventé une chanson: "paper, paper...". Et j'ai compris.

On l’écoute, il vous panse de ses mots, de son aplomb, de sa bonté. A ses côtés, on veut croire en tout. On retrouve ses rêves d’enfants. Si vous les aviez oubliés, lui les a conservés pour vous. Il vous les rend magnifiés. Il vous invite à des retrouvailles avec votre quintessence. Il vous rappelle vos aspirations profondes. Il remet entre vos mains le pouvoir de changer le monde. Alors vous cherchez comment le remercier, comment lui rendre l’inestimable. Il n’y a rien. Il soupire. Il a juste envie d’un sourire désintéressé, d’un poème récité, d’un éclat de rire pour oublier, d’une chanson inventée comme ça, au hasard d’une conversation un soir d’hiver. Il a besoin d’un petit livre à glisser dans la poche de sa veste parce que parfois, il a envie de faire la réunion buissonnière et de lire, au cœur d’une plénière, un recueil de poésie posé sur les genoux sous la table. Parfois l’ennui est trop grand. Oui, la démocratie qu’il chérit tant exige que tous aient le même temps de parole. C’est vrai que c’est une belle chose la liberté d’expression. Mais la liberté de ne pas écouter n’existe pas, alors quelques fois, juste de temps en temps, il voudrait prendre la liberté de lire en secret. Il ne demande rien d’autre. Juste un peu de liberté à lui pour continuer à défendre celle des autres.

Je n'étais encore qu'une enfant pas toujours très structurée intellectuellement et il m'a ouvert le monde par ses qualités humaines et la force de son engagement.

Ces vers me font penser à lui:

Victor, sed victus

Je suis, dans notre temps de chocs et de fureurs,
Belluaire, et j'ai fait la guerre aux empereurs;
J'ai combattu la foule immonde des Sodomes,
Des millions de flots et des millions d'hommes
Ont rugi contre moi sans me faire céder;
Tout le gouffre est venu m'attaquer et gronder,
Et j'ai livré bataille aux vagues écumantes,
Et sous l'énorme assaut de l'ombre et des tourmentes
Je n'ai pas plus courbé la tête qu'un écueil;
Je ne suis pas de ceux qu'effraie un ciel en deuil,
Et qui, n'osant sonder les styx et les avernes,
Tremblent devant la bouche obscure des cavernes;
Quand les tyrans lançaient sur nous, du haut des airs,
Leur noir tonnerre ayant des crimes pour éclairs,
J'ai jeté mon vers sombre à ces passants sinistres;
J'ai traîné tous les rois avec leurs ministres,
Tous les faux dieux avec tous les principes faux,
Tous les trônes liés à tous les échafauds,
L'erreur, le glaive infâme et le septre sublime,
J'ai traîné tout cela pêle-mêle à l'abîme;
J'ai devant les césars, les princes, les géants
De la force debout sur l'amas des néants,
Devant tout ce que l'homme adore, exècre, encense,
Devant les Jupiters de la toute-puissance,
Eté quarante ans fier, indompté, triomphant;
Et me voilà vaincu par un petit enfant.

Victor Hugo (L'Art d'être grand-père)

Ces vers-là sont de lui:

You looked at me
as I went by.
Flags and sirens
proclaimed my rank.
You, indifferent,
to one side
of the road.
You and me,
both transient passers by,
both alone
clothed in our own mistery.
How I would have loved
to reach up to you
and tell you
I am fighting
each day
to brake the chains
of your monotony!

Federico Mayor - Beijing, 26 september 1988 (Patterns)